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Description
Six gravures.
Editions Ecarts, Paris
A propos de ce livre, Frédéric Benrath écrivait:
Karoline von Günderrode dont on dépeint les traits extrèmement doux, sa magnifique chevelure brune, le teint de blonde, les yeux d'un vif... dont on vante la haute stature fluctuante dans les grands plis...l'émouvante expression de nuit d'été promise à la seule aube d'un rire... écrivait d'elle André Breton.
Ophélie ensanglantée qui, seule, s'avance la première ouvrant le long cortège des amantes défuntes du Romantisme... selon la belle expression de Armel Guerne.
En rééditant Un fragment apocalyptique et pour la première fois en l'accompagnant d'une série de gravures originales nous entendons honorer l'un des plus beaux écrits du romantisme allemand - mais la brièveté d'existence de son auteur et sa spectaculaire mis à mort ne peuvent à elles seules justifier la présente publication. Ce texte, en lui même exemplaire, forme un bloc éclaté, aux images fragmentées, descente au fond de l'abîme, mais aussi minutieuses descriptions d'états psychiques contradictoires. Ii s'inscrit naturellement dans les préoccupations de son époque, texte visionnaire qui nous trouble jusque dans les lieux océaniques de notre être - les mots circulent dans nos veines et nous rendent sa voix lointaine, soudain proche, proche et familière.
Les gravures à l'eau forte et à l'aquateinte choisies pour le texte se présentent en trois volets. Chacun de ces volets est tiré en deux versions chromatiques distinctes, singularisant de ce fait le texte allemand et sa traduction française. La conception des gravures n'est pas descriptive, elle cherche à se saisir du rythme et de la tonalité du texte. Et comme dans un "lied" à deux voix, à cheminer en parallèle. Les couleurs se développent sur le mode mélodique, à l'opposé du système harmonique; elles émergentd'un fond commun pour se distinguer dans la variation.
Le noir - fond commun - contre couleur qui obscurcit, porte les autres couleurs - le bleu se dérobe au noir profond, tend à la transparence, au vide, à la froideur, s'éxalte au contact du noir brûlant. Dilatation et contraction, noir du fond des cavernes, des typhons océaniques, des terres volcaniques - alliance du rouge - rouge matriciel - rouge du sang profond, caché, posé sur la plaque de cuivre - découvrant et recouvrant, blessure et signe de vie - rouge cinabre et cramoisi - violet, né du fondu enchainé du bleu et du rouge - ocre jaune, terre de Sienne et terre d'ombre brûlée - le brun se substitue au noir, en attise ou en dissipe la profondeur - mésalliance de toutes les couleurs pures - calcination - matière argileuse - le noir.
D'une plaque à l'autre, j'ai voulu rassembler divers moments contradictoires: chaque plaque retravaillée s'est transformée en strates d'images métamorphosées - les couleurs se sont modifiées - chaque couleur se défait de toutes les autres - fin des tons purs, fin de toute convention - flux et reflux de mes couleurs essentielles. La première plaque, le premier noir, le retour du noir - noir chaleureux, noir qui accompagne, qui appelle - noir de l'absence et de la présence - noir du retrait, du déploiement, de la célébration. Couleurs qui crèvent l'écran noir, le contournent, l'embrasent.
La gravure est aussi fragment, partie d'un tout et cependant unique - impossible répétition.